03 Apr

Tranche de vie V

Publié par BERis  - Catégories :  #Air des temps

samedi 9, dimanche 10 mars

 

Nous vivons trois niveaux de finalités que je me permets d'exprimer en termes d'identité :

- Tout d'abord l'identité parmi les autres, qui se forge par les interactions sociales. Ce que j'espère être se confronte régulièrement au miroir social, au feed back renvoyé par les autres. Expérimenter ce miroir dans une autre culture permet de relativiser ses constructions sociales et représentations mentales du monde humain. Il y a une perversion incontournable à vouloir se construire une identité sociale. Le soi social, justement, dont résulte un sentiment d'existence «parmi». Imaginer cela comme seule pierre fondatrice de l'identité, c'est accepter du même coup l'orgueil, le pouvoir, la prétention à la gloire, la vanité. Sorti du monde humain, l'esprit meurt. De nombreux « chefs » s'autodétruisent dès leur mise à la retraite, perdant leur statut social.

- L'identité parmi le monde/cosmos ensuite, qui relève d'un autre développement. Construite sur les interactions avec le cosmos, elle est une prise de conscience de nos relations avec toute phénoménologie, avec «anima» de Jung et Bateson, avec ce qui est, avec les représentations que nous pouvons en avoir. Ces interactions favorisent une construction identitaire fondée sur le réel. Toutefois, ce réel est à la mesure de celui qui le nomme et ne peut dépasser l'homme. Jung disait qu'on ne peut voir plus loin que sa psyché. Le paysan vaudois dit qu'on ne voit pas plus loin que le bout de son nez.

- L'identité que j'appelle «à soi» finalement. Cette troisième pierre angulaire de la pyramide identitaire ne peut advenir que par le détachement des phénomènes. Je ne suis plus homme parmi les phénomènes, mais phénomène «parmi» les phénomènes. Je réfléchis ici sur le «je». Cette identité et littéralement perte d'identité. L'interaction porte sur ce que je crois être et ce qui devient.

En définitive, cette pyramide est celle de l'intégration aux autres, au monde puis à «cela». Et si se perdre équivaut à se mettre en situations nouvelles d'interactions, il y a adaptation en continu, initiation à ce qui advient. Processus de vie que l'on nomme processus de formation s'il y a réflexion sur l'adaptation. L'expérience n'est pas formation en elle-même. Elle est adaptation aux situations. La somme des adaptations, c'est l'histoire. La reformulation (explicitation selon Vermersh), c'est la formation par assimilation, par interactions de soi à soi, du sujet au sujet et pour finir dissolution du sujet pour autant qu'il souhaite aller jusque-là.

 

<< The end of the track is London, the tube and the train station, the overcraft…La Manche. Ensuite la longue traversée de la France. En place assise cette fois, et en silence, en somnolence, le regard probablement creux et chargé d'expériences. Cette richesse, j'ai cru longtemps pouvoir la conserver comme un trésor, mais thésauriser, je le sais aujourd'hui est sans valeur. L'orientation était prise qui a perturbé des routines. Devenu ébauche d'adulte sans le savoir, j'ai versé une larme en revoyant le Léman, mais je n'ai pas su discerner alors si je pleurais l'émotion du « re-vers » ou celle de la porte ouverte, immense, que je percevais à peine dans les possibles qui s'offraient.

 

>> Le bout de la piste, c'est 7 km avant le cap Arnaoutis/Akamas. De là il ne reste qu'une débauche de pas marqués sur la plage, dans une solitude parfaite et par une lumière sans ombre, jusqu'à l'extrémité de l'île, là où les courants se disputent l'espace.

Un cap, c'est le «plus rien au-delà», la fin de la terre (Finistère). Passer le cap, c'est pousser la porte au-delà du solide.

Écrire, c'est probablement défier l'expérience pour ne pas avoir à la dire, encore et encore, la nommer une fois et l'oublier pour éviter d'en faire un objet séparé de moi, éviter d'en faire un trésor et rester le cordonnier de l'expérience présente plutôt que le banquier de mes expériences passées.

En définitive, cesser de m'observer et vivre, cesser de classer les identités et les interactions. Etre là, c'est tout. Alors l'autre tant rencontré disparaît.

 

Commenter cet article

À propos